» Tuer pour manger  » par Laurent Pfaadt, fonctionnaire européen

Voici une analyse pertinente que je partage. %%% En effet, je dénonce régulièrement l’hypocrisie des pays riches du nord et de leurs dirigeants qui ont déstabilisé les équilibres sociaux et détruit le tissu de solidarité dans les campagnes de nombreux pays d’Afrique, à cause du protectionnisme agricole et des subventions massives versées par les U.S.A. et l’U. E. à leurs paysans.%%% Ceci a aussi empéché ces paysans, en France, de s’orienter vers l’agriculture biologique et nous sommes obligé d’importer ces légumes et fruits  » bio  » pour satisfaire notre demande intérieure.%%% Autre effet pervers et scandaleux, ces paysans africains chassés de leur terre vers des villes incapables de les accueillir fuient vers la riche Europe qui les voit souvent arriver avec mépris et rejet ! Sans se souvenir qu’au XIXème siècle, notamment, ce sont les paysans d’Europe qui ont fuit la misère en allant envahir l’Amérique, l’Afrique ou l’Océanie.%%% Les carburants végétaux constituent l’ultime agression, la provocation de trop. Voici l’analyse de Laurent Pfaadt:%%%  » Il y a quelques semaines, une note interne de l’ONU estimait que l’insécurité alimentaire n’est pas passagère mais bien au contraire structurelle. De nombreux pays sur la planète tels que l’Egypte, le Kenya ou le Mexique sont déjà confrontés aux problèmes appelés « émeutes de la faim » et la liste risque de s’allonger de façon inquiétante. Alors, phénomène nouveau ou face visible d’un iceberg devenu de plus en plus énorme ?%%%

Croire qu’il s’agit d’une nouveauté serait faire preuve à la fois de stupidité et d’angélisme. Et pourtant, les avertissements ont été nombreux, tout comme les politiques censés prévenir ce désastre. La nouveauté du phénomène réside plus dans le cynisme du traitement de cette information.%%% Il y bien longtemps que les campagnes du monde ont été saignées à blanc, que l’agriculture a été sacrifiée sur l’autel du marché. Destruction de cultures pastorales ancestrales en Afrique où des peuples d’agricultureurs millénaires ont été broyés, politiques agricoles peu subventionnées ou méprisées au profit de l’industrie et de l’exploitation des matières premières laissant une agriculture vivrière ou de subistance en lambeaux, tout cela est un phénomène que tout un chacun peut observer aisément depuis de longues années. Avec son cortège de conséquences funestes que cela a provoqué (exodes urbains massifs, prostitution, trafics en tout genre, SIDA, etc) et que l’excellent film le Cauchemar de Darwin avait souligné, cet enfer a suscité un rapide haussement de sourcils dans les organismes internationaux. %%% Jusqu’à maintenant.%%% Ce cauchemar avait vite été oublié car il était bien loin des villes, des médias, des décideurs et d’une opinion publique urbaine qui dicte ses choix aux politiques. Mais voilà, les émeutes urbaines ne sont plus seulement la cause de racisme ou de discriminations sociales ou économiques. Aujourd’hui, dans de nombreuses villes, on tue, on pille, on se révolte contre l’Etat pour survivre, pour pouvoir manger. Triste désaveu des politiques menées jusque là. Aujourd’hui, il est moins cher pour le Sénégal d’importer son riz du Vietnam que de le cultiver par ses propres paysans qui ne peuvent plus résister à une concurrence devenue déloyale, injuste et surtout meurtrière. Comment dire à ces paysans qui s’acharnent en plein soleil à faire vivre leurs productions que leur travail est vain ? Au Gabon, pays d’une richesse incroyable en raison de son pétrole, les productions locales ne couvrent que 40% des besoins alimentaires et le pays doit importer. On imagine bien le désastre dans lequel le pays se trouvera une fois les ressources épuisées…%%% Même si les aléas climatiques et l’accroissement de la demande dans certains pays comme la Chine qui modifie les équilibres alimentaires entrent également en ligne de compte, il faut tout de même mentionner les biocarburants. Cette idée, noble en soi, de fabriquer du carburant à base de céréales ou de canne à sucre trouve ses limites lorsqu’elle porte atteinte au droit de chaque homme de vivre et de se nourrir. Comment alors concevoir qu’un paysan du Brésil préfère vendre ses céréales pour des biocarburants plutôt que le vendre sur le marché local ? La recherche de solutions alternatives au tout pétrole ne doit pas s’accompagner de famines et des milliers de morts qui l’accompagnent où au final les guerres pour le contrôle des ressources et des voies pétrolières laissent place aux guerres du pain. Jean Ziegler, rapporteur des Nations Unies sur le droit à l’alimentation qualifiait en octobre 2007 de « crime contre l’humanité » cette reconversion honteuse des terres arables pour la production de biocarburants.%%% Et l’Europe dans tout cela ? Protégée par une PAC, elle ne devrait pas se croire à l’abri car la note de l’ONU mentionne déjà quelques Etats (Géorgie, Moldavie) ou régions (Tchétchénie) aux frontières de l’UE qui pourraient à moyen terme être victimes de ces émeutes de la faim. Le maintien d’une autosubstistance alimentaire du continent est la condition essentielle pour éviter de voir des populations désesperées prendre d’assaut les villes européennes. Face aux continents asiatiques et africains en proie à ces tragédies qui, malheureusement, risquent de s’amplifier, l’Europe peut encore promouvoir une voie alternative, celle de la raison « . %%% Laurent Pfaadt, fonctionnaire européen et essayiste, comité de rédaction de Relatio Europe