» En 1993, Edouard Balladur en avait rêvé, en 2010, Nicolas Sarkozy l’a fait  » ( Denis CLERC ):  » La disparition  » ou comment laisser mourir en douce une structure d’expertise indépendante ( le Cerc ) – Et une de moins !!

((/images/663116045.jpg)) Alors que je prône, que nous prônons, le principe de l’expertise indépendante dans le domaine Santé – Environnement ( CRIGEN, CRIIRAD, RES -Réseau Environnement Santé- … etc qui montrent quotidiennement leur rôle primordial et indispensable ) mais aussi au niveau socio-économique pour le cas qui nous intéresse aujourd’hui, nous constatons que certains n’apprécient pas cette indépendance par rapport au pouvoir quel qu’il soit ( politique, économique, financier … ). Voici un article bien frappé d’un spécialiste de l’expertise dans le domaine de l’insécurité de l’emploi, notamment (Denis CLERC, rapporteur du CERC de 2000 à 2007). Et cela permet d’informer certains politiciens que l’insécurité est multiple et très diverse et qu’il faut s’en occuper dans sa totalité au lieu de faire une fixation stupide sur une seule facette. %%% __Insécurité aussi inadmissible dans tous les autres domaines ( que celle qui est mal assurée par l’Etat et qu’on utilise en période électorale ) : chômage, précarité de l’emploi, pauvreté, insécurité alimentaire, sanitaire … L’arrivée en fin de droits de centaines de milliers de citoyens au chômage dans les mois qui viennent va encore aggraver cette terrible situation dans une perspective de crise qui commence à s’installer en France malgré quelques gesticulations verbales inefficaces.__ __La disparition__ à lire en entier sur  » Alternatives Economiques  » [http://www.alternatives-economiques.fr/index.php?ogn=MODNL_134&prov=&cat=&lg=fr&id_article=48493&id_publication=913|http://www.alternatives-economiques.fr/index.php?ogn=MODNL_134&prov=&cat=&lg=fr&id_article=48493&id_publication=913|fr] %%% En 1993, Edouard Balladur en avait rêvé ; en 2010, Nicolas Sarkozy l’a fait : dans le silence général, le pouvoir a supprimé de facto le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (Cerc). Le Centre d’études des revenus et des coûts – c’était ce que le sigle Cerc désignait à l’origine – avait été créé en 1967 par le général de Gaulle suite à la proposition d’un comité chargé de réfléchir à ce que pourrait être une politique des revenus en France. Présidé par le commissaire au Plan de l’époque, Pierre Massé, son rapporteur était Jacques Delors. La mission de ce premier Cerc: établir périodiquement un état des lieux précis en matière d’évolution des revenus d’activité, financiers et sociaux, ainsi que de la productivité (d’où le terme « coûts »), afin de mettre en lumière les disparités ou les inégalités qui pouvaient exister dans ce domaine. L’organisme publiait des rapports très documentés, qui suscitaient parfois des grincements de dents du côté de nos dirigeants, de gauche (Pierre Bérégovoy), comme de droite (Jacques Chirac).

Edouard Balladur, Premier ministre en 1993, avait donc décidé de supprimer cet organisme et de le remplacer par un Cserc (Conseil supérieur de l’emploi, des revenus et des coûts). Ce qui avait été interprété par beaucoup – à commencer par le signataire de ces lignes – comme la volonté d’en finir avec une expertise indépendante. Le Cserc était privé de l’essentiel des salariés sur lesquels s’appuyait l’ancien Cerc et devenait dépendant de la bonne volonté de l’Insee pour obtenir les données dont il avait besoin, alors même que, dans le domaine des revenus, la statistique publique commençait à peine à sortir de la préhistoire. La fronde déclenchée par cette décision chez bon nombre de chercheurs et de statisticiens n’était donc pas sans fondement. La suite a toutefois montré que le Cserc n’était pas l’organisme croupion et aux ordres que beaucoup pensaient qu’il serait: il a publié des rapports (sur le salaire minimum, par exemple) qui ont fait date. La gauche ayant promis que, si elle revenait au pouvoir, elle rétablirait le Cerc, Lionel Jospin tint parole et, en 2000, le Cserc redevenait le Cerc (la modification d’intitulé laissant le sigle inchangé), avec comme président… Jacques Delors. Lequel, avec l’accord du rapporteur général, Michel Dollé, me recruta comme rapporteur. J’y ai travaillé jusqu’à fin 2007 et je crois vraiment que le Conseil et l’équipe des rapporteurs ont fait un travail utile sur la pauvreté, l’insécurité de l’emploi ou l’insertion des jeunes. Ce n’est cependant pas la nostalgie qui me pousse à évoquer le Cerc, mais l’écoeurement. Car le mandat de Jacques Delors et celui des membres du Conseil sont arrivés à expiration en juillet 2008. Le rapporteur général, touché par la limite d’âge, n’est plus en poste et les rapporteurs sont partis les uns après les autres au terme de leur engagement, sans que quiconque les remplace. Seules restent deux documentalistes pour effectuer une remarquable veille internationale sur les questions d’emploi, de pauvreté, de revenu (1). Le gouvernement n’a pas bougé le petit doigt, malgré plusieurs démarches de Jacques Delors pour qu’un successeur soit désigné. Car c’est à l’Elysée que ce genre de décisions se prend. Et le silence assourdissant de la presse montre que c’était la bonne méthode pour faire disparaître sans vague un lieu d’expertise qui dressait, sur les thèmes dont il se saisissait, des constats détaillés et sans complaisance, qui pointait les incohérences ou les insuffisances des politiques publiques et avançait des propositions très argumentées. Les lieux d’expertise publique indépendante approfondie disparaissent. Ils ne publient plus que des rapports de facture universitaire que le gouvernement ignore (Conseil d’analyse économique), sont transformés en organismes au service d’une personne (Conseil d’analyse de la société) ou du pouvoir grâce à la nomination à leur tête de militants UMP (Conseil d’orientation de l’emploi, Centre d’analyse stratégique). C’est le signe d’une grave confusion entre légitimité tirée de la compétence et légitimité politique tirée de l’élection (ou de la candidature à l’élection) qui tend à faire de l’analyse sociale un sous-produit de l’engagement partisan. Du coup, alors que notre République est confrontée à des problèmes sociaux d’ampleur, des futilités occupent le devant de la scène médiatique – de la burka au dérapage verbal d’un personnage qui n’en est pas à son premier. Elles permettent d’éviter d’avoir à s’interroger sur le délitement de la cohésion sociale. Mais la politique de l’édredon pratiquée par le pouvoir pour faire taire sans bruit un organisme gênant est manifestement efficace, puisque nul n’en dit mot. Denis Clerc