2ème Colloque national de MOSAÏC, du 5 mai 2010 à l’Institut du Monde Arabe ( IMA ) à Paris : idées-forces et toutes les photos

((/images/Mosaïc IMA item-3.jpeg)) [http://www.federationmosaic.com/|http://www.federationmosaic.com/|fr] Pour voir toutes les photos réalisées par slide show à cette occasion : [http://www.slide.com/r/IgC17tH26j_FfrQY5Zk8WjmjpmUrt8TL?previous_view=TICKER&previous_action=TICKER_ITEM_CLICK&ciid=2882303762080039313|http://www.slide.com/r/IgC17tH26j_FfrQY5Zk8WjmjpmUrt8TL?previous_view=TICKER&previous_action=TICKER_ITEM_CLICK&ciid=2882303762080039313|fr] Le Dr André Minetto, Vice Président PACA de la Fédération, vous avez promis de revenir sur ce colloque, réussite totale de toutes les équipes de la Fédération MOSAÏC réunies autour de son Président, le Dr Marouane Bouloudhnine qui est par ailleurs Conseiller Municipal à Nice ( UMP ). Les débats se sont tenus à cette occasion devant 350 personnes réunies ce mercredi après-midi, en présence de Fadela Amara et de Bertand Delanoë et avec de nombreux autres intervenants de qualité ( voir l’article précédent annonçant le Colloque ).%%% Et en voici l’essentiel. Les 4 idées forces du Colloque : ((/images/DSC_1347.JPG.jpeg))%%% 1 ) La diversité est un enrichissement pour la communauté nationale 2 ) L’avenir de l’économie française se trouve en banlieue 3 ) Face au  » plafond de verre « , remplacer l’approche sociale par l’approche économique 4 ) Les Français issus de l’immigration doivent réaffirmer leur attachement aux valeurs de la République, se battre et être fiers de ce qu’ils représentent ((/images/Mosaïc IMA item-2.jpeg)) __Première idée force : la diversité est un enrichissement pour la communauté nationale__ Né de l’autre côté de la Méditerranée, Bertrand Delanoé souligne combien le mélange est important. ((/images/DSC0016.JPG.jpeg))%%%  » Nous sommes tous enrichis par la diversité et la différence des autres  » déclare le Maire de Paris.  » Que serais-je si je n’avais pas été éduqué, influencé, enrichi par la culture des autres ? Je suis maire d’une ville qui est grande, belle, aimée et aimable quand elle sait qu’elle doit beaucoup aux autres. Comment pourrais-je, Maire de Paris, oublier que, bien avant ma naissance, un terrain a été donné au cœur de Paris pour édifier la mosquée de Paris en signe de reconnaissance pour les milliers de musulmans morts pour la France pendant la Première guerre mondiale ? « %%% ((/images/Mosaïc IMA item-8.jpg)) Le Dr André Minetto avec le Procureur De Montgolfier et Fayçal Douhane, membre du Conseil National du PS

 » Il n’y a pas de société ambitieuse si elle préfère l’uniformité à la diversité « , martèle Bertrand Delanoë.  » Un monde sans différences est ennuyeux, s’atrophie, perd de sa substance et de son potentiel. C’est parce que nous nous regardons, c’est parce que nous nous découvrons, c’est parce que nous nous influençons que nous progressons et que nous sommes plus grands.  » Pour se rassembler, conclut t’il, il faut d’abord marquer du respect pour la différence de l’autre, prendre en compte sa psychologie, sa sensibilité, sa fierté. Ça n’est qu’à cette condition que l’on peut avoir un comportement crédible pour le rassemblement et que chacun peut apporter à notre collectivité nationale, à notre République, à notre communauté, ce qu’il est et qui enrichit la totalité. Notre pays a besoin de chacune et de chacun d’entre nous, avec la totalité de ce qu’il est, de son patrimoine, de ce qu’il a reçu de ses parents, de son peuple, de ses origines. Il faut vraiment aimer le mélange, parce que si on ne l’aime pas, on va passer à côté de ce qui va nous faire grandir. Pour illustrer l’importance de la diversité et du brassage des cultures, le Directeur Général de l’IMA, Mokhtar Taleb-Bendiab, cite un verset du Coran :  » Nous avons fait de vous des peuples divers afin de mieux vous connaître.  » Jean-Pierre Sueur, ancien ministre et président du groupe d’amitié France-Tunisie au Sénat, considère quant à lui que la présence de personnes issues de 71 nationalités est une chance, un atout, dans la ville nouvelle d’Orléans – La Source, où il réside.  » Nous sommes bien ensemble. Nous partageons des valeurs. Je me sens chez moi. S’il n’y avait pas cette diversité, je ne me sentirais plus chez moi à Orléans – La Source  » souligne le sénateur du Loiret. Concédant que le débat sur l’identité nationale pouvait se discuter sur la forme, Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, considère qu’il fut néanmoins une manière démontrer que la majorité des Français de sensibilité musulmane aiment la République, veulent construire le vivre-ensemble et sont des citoyens à part entière, qu’ils sont des acteurs économiques et participent à la richesse de la France. Car certains de nos concitoyens ont des doutes et se posent la question de notre capacité à nous intégrer, à respecter les valeurs de la République et les règles de la société.  » On a mis du temps à comprendre que parce qu’ils sont d’origine étrangère, ils sont un atout pour participer à l’aura de la France sur la scène internationale « , souligne la ministre. Aujourd’hui, des dynamiques ont été lancées, notamment l’initiative  » Espoir Banlieues  » que nous avons mis en place depuis quelques années.  » Nous avons besoin de faire la démonstration que nous sommes totalement intégrés et insérés « , continue Fadela Amara.  » On nous renvoie à chaque fois aux mêmes problématiques. Or, j’ai toujours dit que le processus d’intégration existait depuis longtemps. Beaucoup d’avocats, de médecins, et même d’hommes et de femmes politiques, même si c’est largement insuffisant, sont issus de l’immigration !  » Plus encore, pour le publicitaire Christophe Lambert, la capacité des artistes issus des quartiers défavorisés à fédérer une culture nationale populaire est importante. Ainsi, après avoir été très  » segmentantes « , les cultures urbaines issues des quartiers défavorisés sont devenues incroyablement dominantes et fédératrices dans la société française. Il est aussi à noter que les cinq personnalités les plus aimées des Français -selon le baromètre du Journal du Dimanche- soient tous issus de la diversité: Yannick Noah, Djamel, Diams… Ils sont adorés pour ce qu’ils sont, pour les messages qu’ils portent et la culture qu’ils incarnent, souligne Christophe Lambert. Ce phénomène est très important car il créé de l’intégration et beaucoup de fierté parmi les jeunes dont les valeurs et la culture se diffusent dans la société française et sont capables de rassembler et de fédérer toute une population. Cela leur permet de s’affirmer comme étant porteurs de cette culture et de ne pas être dans une logique de repli et de fermeture. Enfin, cela a une vraie valeur économique. La société du spectacle est une grande scène médiatique où l’égalité des chances est assez forte, où seules les meilleures histoires émergent. Cette société du spectacle donne une chance aux artistes qui ont du talent. Elle a donné une place considérable aux cultures urbaines et c’est une bonne chose pour la société française. Il faut accompagner ces mouvements et s’en féliciter conclut Christophe Lambert, car la culture est un outil incroyable de  » déghettoïsation « . Fettah Ouzzani, directeur général de Cosmic, et président-fondateur du Réseau des Algériens des Grandes Ecoles et des universités françaises, rappele que les 300 à 400 000 cadres d’origine maghrébine sont présents dans tous les secteurs de l’économie et de l’administration françaises : médecins, consultants, notaires, techniciens de santé, chefs de cliniques, spécialistes éminents, agents publics dans les collectivités locales, les services publics, la police nationale, la gendarmerie, l’armée… Ils sont dans toutes les universités et grandes écoles, professeurs, directeurs de recherche et thésards. Si tous les thésards d’origine étrangère quittaient les grandes écoles, les activités de recherche de ces dernières s’arrêteraient net. Les cadres dirigeants d’origine étrangère sont très nombreux dans les grandes entreprises. Les chefs de petites et moyennes entreprises se comptent par centaines surtout dans le secteur des services et de la haute-technologie. C’est un mouvement qui va s’amplifier. Fettah Ouzzani évoque le cas d’une diplômée de Télécom Paris, qui avait du mal à trouver un emploi au sortir de l’école et qui dirige aujourd’hui une entreprise cotée au Nasdaq. __Deuxième idée force : l’avenir de l’économie française se trouve en banlieue__ Pour Fadela Amara, la France, pays vieillissant, a besoin des forces et des compétences des jeunes des quartiers populaires. Ils sont des atouts économiques extraordinaires. C’est grâce à eux que la France restera un pays compétitif. Ainsi, la démonstration sera faite à travers le monde que l’héritage universaliste du siècle des lumières que la France porte depuis la Révolution française, continue de briller, non pas dans une vision colonisatrice, mais comme une sorte de phare, qui permettra à l’ensemble des forces progressistes dans le monde de s’y référer, souligne la secrétaire d’Etat. Aziz Senni, fondateur du fond d’investissement Business Angels des Cités, considère quant à lui que l’avenir de l’économie française se trouve en banlieue. Certes, le taux de chômage y est élevé (40 %) et le taux de formation insuffisant, mais les banlieues sont un vivier qui recèle de nombreux potentiels. Aziz Senni a fait partie de ceux qui, il y a dix ans, se sont lancés dans l’aventure de la création d’entreprise. Il y a bien sûr eu des obstacles, raconte t’il. Les premiers sont dans la tête. Quand on vous répète à longueur de journée que la banlieue, ce sont des casseurs, des fainéants, des intégristes, des cellules dormantes potentielles, etc., il est difficile d’avoir confiance en soi et de se dire,  » suis-je capable, moi, en étant issu de Mantes la Jolie, de Sarcelles, des quartiers sud de Lille, de passer à l’acte, de créer mon entreprise et d’endosser le costume ? « . C’est la première et la plus difficile des étapes. « Oui, il y a des délinquants, de l’islamisme et de la drogue en banlieue » concéde Abdel Aïssou, président du Conseil national des entreprises pour la banlieue. Mais au nom de ces réalités paroxystiques, on oublie que ces banlieues représentent 5 millions d’habitants, soit 8% de la population ajoute le directeur général de Randstad France. Pour Soumia Malinbaum, directrice associée du groupe Kerus, porte-parole diversité au MEDEF national et présidente de l’Association française des managers de la diversité (AFMD), la mondialisation, la crise et le vieillissement de la population vont obliger les entreprises à ouvrir leurs portes à des viviers de recrutement différents. Suite au  » papy krach « , des milliers de postes et de très nombreux secteurs vont être vacants et nécessiter des recrutements massifs. Dans le secteur des nouvelles technologies, ce sont près de 100.000 ingénieurs qui vont manquer dans les dix ans qui viennent. La mondialisation fait que les entreprises doivent s’ouvrir, travailler dans des environnements globalisés et être à l’image des pays, des populations et des secteurs qu’elles souhaitent toucher. Cela oblige les entreprises à reconsidérer leurs actions commerciales. Bouygues a compris qu’il fallait construire des téléphones portables avec écrans plus larges pour les seniors. Ils ont en même temps l’obligation de recruter des seniors. La diversité répond ainsi à plusieurs enjeux : un enjeu social et sociétal : cet enjeu sera déterminant lorsque les performances de l’entreprise en termes de responsabilité sociale et environnementale auront un impact sur le cours de son action en bourse. Mais nous n’y sommes pas encore car nous ne sommes pas capables d’évaluer la diversité dans l’entreprise et la performance qu’elle peut engendrer. un enjeu d’ancrage territorial : une entreprise qui s’installe dans une région aura plus intérêt à recruter localement ; un enjeu d’image et de réputation : la Halde veille au grain. Mais elle n’a pas assez de moyens pour agir. Il y a beaucoup de recours mais très peu aboutissent. Il faut un gendarme plus musclé. Les entreprises doivent être vigilantes car elles peuvent être condamnées et cela peut leur coûter très cher en terme d’image. Ces enjeux obligent les entreprises à être très vigilantes et à ouvrir leurs portes au recrutement, à mettre en place des quotas lorsqu’il s’agit de personnes handicapées – parfois elles doivent payer la taxe faute de candidats.  » Nous faisons de la pédagogie expliquant aux entreprises que les talents sont dans les quartiers et pas seulement là où elles ont l’habitude de les identifier, à savoir les mêmes grandes écoles, la même formation, la même origine, etc, démarche très ancrée dans les mentalités françaises.  » Parmi les autres projets menés par Soumia Malinbaum avec le MEDEF, celui consistant à demander à de grands groupes comme L’Oréal de parrainer de jeunes entrepreneurs ou de prendre comme fournisseurs des entreprises présentes dans les quartiers. Il s’agit de clamer haut et fort que nos quartiers, nos régions, nos villes ont des entrepreneurs de talent en plus de candidats de talents. Des entrepreneurs qui innovent, qui ont cette capacité de créativité, cette propension toute méditerranéenne à faire du business, ouvrir un commerce, etc. Ils ne créent par leur entreprise par dépit mais par défi, non pas parce qu’ils n’ont pas trouvé d’emploi mais par envie d’être leurs propres patrons et de créer des emplois. Le Sénateur Jean-Pierre Sueur fait part de sa conviction que l’Union pour la Méditerranée est un enjeu extraordinaire.  » Je crois aux rapports entre l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord, entre les pays riverains de la Méditerranée. J’y crois de tout mon cœur, observe t’il. Toutefois, il faut lutter pour qu’en Europe, l’Euro-Méditerranée soit une vraie priorité financière et œuvrer pour que l’UPM ne soit pas qu’une belle parole mais devienne une réalité « . Maître Selda Can est avocate au barreau de Paris, et a exercé au sein d’un cabinet d’avocats d’affaires français implanté à Istanbul. Pour elle, les acteurs issus de la diversité sont les mieux placés pour assurer la liaison avec les pays du bassin méditerranéen et permettre à la France, et à l’Union européenne en général, de gagner des marchés à l’étranger et d’assurer son expansion au niveau international. La question de l’intégration économique des personnes issues de la diversité implique que la société reconnaisse que la diversité culturelle est une richesse économique afin de pouvoir définir le rôle que chaque acteur économique et social doit jouer dans l’intégration de cette population. Les acteurs issus de la diversité sont une force collective qui doit être mise en valeur pour assurer la cohésion au sein de l’espace méditerranéen commun. Il est nécessaire d’aborder cette diversité comme un levier de performance, une ressource pour entreprendre. La disponibilité des ressources humaines compétentes permettra de renforcer la compétitivité des entreprises et l’attractivité des pays de la région et notamment la France qui bénéficiera de retombées économiques. Autre phénomène souligné par Fettah Ouzzani, de plus en plus de dirigeants franco-maghrébins se lancent dans l’aventure de l’entreprise-mixte, un pied de chaque côté de la Méditerranée. Ce phénomène a commencé dans les années 80 et 90 avec le commerce, le tourisme et les délocalisations dans l’informatique et le textile. Il concerne aujourd’hui tous les secteurs. Des milliers d’ingénieurs maghrébins coopèrent avec leurs homologues européens pour développer des services et des produits de qualité à destination du marché mondial. Un certain nombre de patrons français l’ont compris et sont de plus en plus nombreux à s’installer de l’autre côté de la Méditerranée. Dans des secteurs comme le BTP et les infrastructures, la meilleure façon de s’en sortir face à la concurrence de mastodontes comme les Chinois et les Etats-Unis, estime Fettah Ouzzani, est de chercher des alliances avec les entreprises locales. Vinci et d’autres le font. Pour accéder à ces marchés à des conditions plus sereines, il faut nouer des partenariats avec des entreprises locales et c’est là que les franco-maghrébins pourront jouer un rôle déterminant. Enfin, le marché des services et des produits islamiques est crédité de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliards de dollars. C’est un marché de 1,5 milliard de consommateurs dont le pouvoir d’achat ne cesse d’augmenter. Avec ses Français de sensibilité musulmane et ses cadres franco-maghrébins, la France est bien placée pour saisir une très grosse part de ce marché. Pour Fettah Ouzzani, il n’y a pas de doute : les entrepreneurs franco-maghrébins sont une véritable chance pour la France. Fayçal DOUHANE, président de  » La France est en nous « , considère pour sa part que si les binationaux ont bien toutes les qualités pour aller vendre le  » made in France  » à l’étranger et ne demandent qu’à être utiles, le système les exclut. Ainsi, faute de trouver des postes à la hauteur de leurs qualifications, ils n’hésitent plus à s’exiler dans le pays de leurs parents ou à accepter les postes que des pays plus accueillants leurs proposent. Résultat: il y a aujourd’hui plus d’Algériens traders à la City de Londres qu’à la bourse de Paris. En France, nous avons de très grands ingénieurs, mais nous perdons tous les jours des parts de marché faute de savoir utiliser nos ressources en interne, et notamment les jeunes Français entreprenants issus de l’immigration dont certains ont la double-nationalité, déplore t’il encore. La France perd des parts de marché dans des territoires où elle était bien implantée au profit des Asiatiques, à commencer par les Chinois. Fayçal Douhane regrette également que les ambassades françaises et les missions économiques demeurent quasiment  » monocolores  » alors que les Etats-Unis envoient facilement des ambassadeurs afro-américains en Afrique ou d’origine asiatique en Asie parce qu’ils connaissent la culture, la langue, et y ont une partie de leur famille. Il estime que, dans ce domaine, la France a un véritable train démocratique de retard et que cela s’explique par le phénomène de reproduction de l’élite. Les hauts fonctionnaires et les cadres recrutent des gens qui leur ressemblent. Il appelle enfin les pouvoirs publics et les entreprises françaises à se tourner vers les Français issus de la diversité pour accompagner des pays comme le Qatar, les Emirats arabes unis ou le Koweït qui cherchent des projets innovants dans des zones géographiques dynamiques pour investir leurs fonds souverains colossaux (60 milliards de dollars pour le Qatar, 875 milliards pour Abu Dhabi, 213 milliards pour le Koweït). Ils ont besoin de personnes formées pour les encadrer et souhaitent disposer de garanties et de conseils avant de choisir le type d’investissement. Les Français issus de la diversité peuvent mettre à profit leur double culture dans des environnements qui deviennent favorables pour l’économie française et la croissance économique de notre pays. __ Troisième idée force : face au  » plafond de verre « , remplacer l’approche sociale par l’approche économique__ Abdel Aïssou indique qu’un rapport de l’OCDE de 2009 sur l’insertion des jeunes en France faisait valoir que, par rapport aux jeunes hollandais ou canadiens majoritairement bien insérés, les jeunes Français issus de l’immigration sont plutôt moyennement ou mal insérés. La situation des jeunes issus de l’immigration s’inscrit dans une société qui a du mal à penser sa jeunesse, souligne le directeur général de Randstad France. Selon une étude menée par le Bureau international du Travail (BIT) en 2005-2006 sur les six principales agglomérations françaises, les difficultés sont majorées de 45 à 50% pour les jeunes issus de l’immigration. De plus, contrairement à l’idée reçue selon laquelle les jeunes femmes issues de l’immigration s’intègreraient mieux que les hommes, en réalité, elles croisent à la fois un plafond et des parois de verre. Une étude de l’éducation nationale et du Conseil régional d’Ile-de-France montre que les jeunes femmes sorties de l’éducation aux niveaux 1 et 2 en alternance, se déclarent quelques années après ouvrières ou employées à plus de 30% contre 18% chez les hommes. Le rapport sur l’emploi des jeunes remis par Abdel Aïssou à Fadela Amera en 2009 partait du constat que, dans les quartiers populaires, on formait davantage de CAP et BEP là où les autres quartiers formaient plutôt des BAC ou BAC+2, alors même que les enjeux de l’insertion professionnelle à l’horizon du 21ème siècle requièrent des BAC+2 minimum. Ces processus de formation condamnent ces jeunes à un premier emploi à vie. Abdel Aïssou appelle à combattre les effets de structure et à remplacer le primat du traitement social par celui de la pensée économique.  » On est toujours dans une mécanique de rattrapage social, là où on devrait exiger du lieu commun et des passerelles vers le lieu commun « , ajoute t’il en regrettant que l’entreprise ait été la grande oubliée de la politique de la ville jusqu’à présent. Le Conseil National des Entreprises pour les Banlieues (CNEB), créé dans la foulée du rapport sur l’emploi des jeunes, prône ainsi une approche délibérément pragmatique en s’appuyant sur les grandes entreprises comme Decaux, GDF-Suez, Zara France, MacDonalds, Cap Gemini et beaucoup d’autres. Ces dernières s’engagent à reverser 10 % de leur taxe d’apprentissage au profit des établissements qui font de l’insertion en banlieue -comme Sciences Po-, plutôt que vers de grands établissements de formation qui font très peu d’alternance. Toujours pour combattre cette mécanique de rattrapage permanent, le plan banlieue 2.0 part du constat que les mécanismes d’apprentissage seront désormais structurés par le numérique. Ainsi, avec Cap Gemini et le pôle de compétitivité Cap Digital, des programmes ont été élaborés autour des  » Serious Games « , ces jeux sérieux qui permettent une autre pédagogie et qui seront développés dans les internats d’excellence.  » C’est une opportunité phénoménale pour la banlieue de devenir leader « , souligne Abdel Aïssou. Enfin, considérant que le problème des stages en banlieue ne relève pas de la discrimination, mais résulte de l’excès de la demande par rapport à l’offre sur des bassins d’emploi très réduits, le ministère de la ville a développé, sur la base d’un appel à projets soutenu par l’Acsè (Agence nationale pour la Cohésion sociale et l’égalité des chances), une application qui permet d’adapter l’offre à la demande à partir d’un téléphone portable et d’un mécanisme de géo-localisation. Aziz Senni explique que s’il fait aujourd’hui partie de ces  » grandes gueules  » qui passent leur temps à dénoncer le système, c’est parce que lorsqu’il était encore à l’école, il s’est retrouvé avec une proposition de CAP boucherie en 5ème alors que ses résultats pouvaient lui laisser envisager une autre carrière. Il a commencé par créer l’Association nationale des jeunes entrepreneurs (ANJE) pour sensibiliser les jeunes des quartiers à la création d’entreprise.  » Quand vous avez des taux de chômage de 40%, que les plus diplômés n’ont que deux options – monter leur boîte ou partir à l’étranger, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne -, les jeunes sont très réceptifs à ce discours « . L’association les aide à monter leurs projets, les accompagne, les met en réseau et diffuse les bonnes pratiques. Les chefs d’entreprise issus des quartiers représentent un vrai groupe de pression auprès des hommes politiques locaux pour exprimer les besoins des entrepreneurs par rapport aux territoires : quand une cinquantaine de chefs d’entreprises demandent un rendez-vous avec un maire, ils sont généralement très bien accueillis, écoutés et les résultats peuvent se voir quasiment immédiatement, » note Aziz Senni. Puis il a monté un fonds d’investissement dans lequel de grands patrons, comme Claude Bébéar ou Michel Pébereau, ont investi leur argent personnel avec trois engagements : investir dans le capital des entreprises de ces territoires avec un apport compris entre 30.000 euros et 1,5 million d’euros ; apporter des compétences : un parrain est nommé pour une période de trois à sept ans pour chacun des projets ; Mettre à disposition leur réseau et leur carnet d’adresses pour aider à développer les entreprises. 15 millions d’euros ont ainsi été levés. Dont, par exemple, 100.000 euros pour Saïd, issu d’une cité de Bordeaux. Saïd, ayant quitté l’école en 5ème, fabrique des polos pour les gendarmes avec pour parrain le groupe Devanlay Lacoste. Sympathique clin d’œil que ce jeune issu d’une Cité qui fabrique des polos pour la police… Fondateur en 2006 de l’association  » Nos quartiers ont des talents  » en Seine-Saint-Denis, Yazid Chir, président de Neocles, raconte que son objectif était de braquer les caméras, non pas sur la petite délinquance mais sur ceux parmi les jeunes de banlieue qui décrochent des diplômes BAC+4. Dénonçant le plafond de verre auquel ils se heurtent lorsqu’ils commencent leur recherche d’emploi, il explique que son initiative visait à mettre ces jeunes en  » délit de code postal  » en contact avec l’entreprise et à les aider pour que le jour de leur entretien, ils soient recrutés.  » Si on leur donne la chance d’intégrer nos entreprises, ces jeunes vont tout donner, vont être mécaniquement plus performants que les autres, parce que c’est la chance de leur vie, c’est inespéré,  » souligne t’il. Et c’est une catastrophe lorsque ces jeunes qui sont la fierté de leurs familles, parfois au prix du sacrifice d’autres membres de la fratrie, se heurtent sur le marché du travail aux fins de non recevoir des entreprises malgré leurs diplômes… Yazid Chir a donc monté un réseau de 80 entreprises partenaires et de parrains recrutés dans le top management des entreprises pour parrainer 200 jeunes. Issu du même secteur d’activité que son  » filleul « , le parrain s’engage à lui consacrer deux heures de son temps par mois. 60 % des jeunes parrainés ont trouvé un emploi dans l’une des entreprises partenaires au bout de six mois, contre 51 % au niveau national au bout de onze à douze mois.  » Sur notre cible des moins de trente ans BAC+4 du 93, nous avons fait mieux que les statistiques nationales dans un environnement où ils ont cinq fois moins de chances, et nous sommes allés deux fois plus vite, soit un taux de retour à l’emploi dix fois supérieur  » conclut le président de Neocles. Soutenu par Laurence Parisot, par Claude Bébéar, président d’honneur et par Christian Charpy, directeur général du pôle emploi, qui assure 50 % du  » sourcing  » (identification des jeunes), le dispositif est monté en puissance, avec des promotions de 200 à 1000 jeunes puis à 1500 aujourd’hui. L’opération a été étendue à toute l’Ile-de-France puis maintenant au niveau national grâce au soutien de Laurent Wauquiez : Lyon, bientôt PACA grâce au Dr Marouane Bouloudhnine, puis le Sud-ouest, l’Est et le Nord. Au total, 7000 jeunes ont été suivis depuis le début avec 500 entreprises partenaires et 2000 parrains (100 parrains sont recrutés par mois). Yazid Chir annonce le lancement des rencontres nationales de  » Nos quartiers ont du talent  » les 23 et 24 novembre 2010 à EuroDisney avec 8000 jeunes attendus. Une journée sera réservée aux Masters et une autre aux Licences. L’objectif est de s’adresser aux 40 % de jeunes qui restent sur le carreau en les orientant le plus en amont possible vers les formations les plus adaptées aux métiers de demain. Les entreprises viendront présenter les métiers sur lesquels elles recruteront dans deux, trois ou quatre ans, ce qui permettra aux jeunes de se réorienter le cas échéant. A cet égard, Soumia Malinbaum estime que la plus grande discrimination dans les entreprises françaises est celle du diplôme. Un candidat titulaire d’un diplôme de Grande Ecole n’aura pas de problème pour trouver un emploi en France, quelles que soient ses origines. En revanche, un certain nombre de formations universitaires en sciences humaines ou en histoire sont des voies de garage et n’intéressent pas les entreprises. Il y a trois fois plus de discriminations pour les diplômés d’origine étrangère parce qu’ils n’ont pas eu la chance d’être bien orientés. Elle évoque le cas de cette jeune femme titulaire d’un DEA d’histoire qui ne trouvait pas de travail malgré son Bac+5 et qu’elle a recruté récemment. Après six mois de formation, cette nouvelle recrue est désormais chef de projet web.  » Nous avons recruté un savoir-être et lui avons appris un savoir-faire « , déclare Soumia Malinbaum.  » L’enjeu, pour les entreprises, c’est d’identifier les talents dans un vivier sans pour autant que ce soient les meilleurs. Ils peuvent devenir meilleurs si nous les aidons !  » Evoquant son expérience de jeune ingénieur dans un groupe industriel, Fettah Ouzzani raconte comment il s’est lui-même heurté à ce plafond le jour où il a souhaité prendre du galon au sein de l’entreprise… il a alors négocié son départ… Fettah Ouzzani considére que la puissance publique n’investit pas assez pour que les nombreux talents des quartiers puissent s’exprimer. De plus en plus d’étudiants partent à Londres ou à New York après leurs études car ils ne sont pas captés de la façon qu’ils méritent.  » Il y a quelques jours, une de nos membres, diplômée de Polytechnique, a choisi de faire son école d’application à Columbia.  » raconte Fettah Ouzzani.  » Elle a eu une proposition en or de la part d’un groupe suisse installé aux Etats-Unis et ne reviendra probablement jamais en France ». Pour Jérôme DUBUS, directeur général du Medef Ile-de-France, souvent, les entreprises françaises font de la diversité sans le savoir. Certains métiers se sont beaucoup féminisés. Le problème n’est plus dans le recrutement, mais dans l’évolution des carrières des personnes issues de la diversité, qui sont souvent bloquées, comme l’étaient les femmes il y a une dizaine d’années, par un plafond de verre. Jérôme Dubus préconise d’ouvrir les conseils d’administration qui demeurent très masculins et très  » blancs « , non pas par la loi, mais plutôt par la contractualisation. La féminisation progresse peu à peu. On va également y arriver en matière de diversification pronostique t’il. Il rappelle enfin que le  » Grenelle 2  » actuellement en discussion au Parlement, prévoit d’étendre l’obligation faite aux entreprises de publier chaque année un bilan sociétal et environnemental à 2.500 entreprises de plus de 500 salariés. Parmi les critères examinés au sein de ce bilan, figurera désormais la diversité. Ainsi, les plus grands groupes français seront obligés de rendre transparents, devant les médias, les efforts qu’ils fournissent année après année, en matière de cohésion sociale, de diversité et de développement durable. Soumia Malinbaum indique que son engagement en faveur de la diversité date de l’époque où elle prit conscience d’une discrimination silencieuse et pernicieuse à l’égard des minorités et d’un risque de stigmatisation.  » Songez qu’il y a trois fois plus de chômeurs parmi les cadres d’origine étrangère que parmi les cadres d’origine française !  » La crise des banlieues a mis en lumière les discriminations réelles subies par les populations en raison de leur origine géographique ou socio-culturelle. Ce fut un éléctro-choc. A la suite de cette crise, 2500 entreprises ont signé une Charte de la diversité. Il s’agit d’un acte de foi, d’un engagement moral en faveur de la diversité. Les jeunes savent qu’ils peuvent aller frapper à la porte de ces entreprises. Ensuite, il y a eu une mise en tension des grandes entreprises qui ont pris des engagements écrits. 28 sur une centaine de candidates ont obtenu le label diversité (dont BNP, La Poste, L’Oréal, Vinci, Areva, Eurodisney…) délivré par l’Afnor qui est allé  » tracer  » leur politique en faveur de la diversité, dans une approche multidimensionnelle. __ Quatrième idée force : les Français issus de l’immigration doivent réaffirmer leur attachement aux valeurs de la République, se battre et être fiers de ce qu’ils représentent__ Pour Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville, il faut deux conditions pour réussir à construire le pacte républicain. La première, c’est que chacun d’entre nous avec son identité, ses différences, ses appartenances, soit acteur et engagé en tant que citoyen.  » Si je crois particulièrement au combat politique, c’est parce que je ne pense pas que les gens vont spontanément nous donner des choses. Tout est question de rapports de forces politiques. Pour transformer la société, il faut se battre. Toutes celles et ceux qui s’inscrivent dans des combats pour la liberté et l’égalité, sont soit isolés, seuls, soit minoritaires au début. Nous n’étions pas nombreux pour dénoncer les obscurantismes qui faisaient beaucoup de mal à l’islam et aux valeurs de la République. La seconde condition, c’est d’affirmer notre attachement à la République ainsi que le fait que nous aimons les valeurs de la République, et notamment la laïcité. La majorité des musulmans de notre pays sont extrêmement attachés aux valeurs de la République, mais c’est une majorité malheureusement silencieuse ou que l’on tend à rendre silencieuse. On entend toujours celles et ceux qui portent un projet politique obscurantiste, qui font du tort à l’islam en montrant un islam rétrograde, moyenâgeux, qui n’a rien à voir ni avec l’islam des pays d’origine, ni avec l’islam de France. Je suis fière d’appartenir à un pays où la laïcité nous permet d’exister tranquillement et sereinement, d’être respectés dans ce que nous sommes et de pratiquer simplement notre religion dans le domaine de l’intime.  » Fadela Amara appelle chacun à être fier d’être ce qu’il est et à ne pas avoir de discours misérabiliste :  » Il faut nous honorer d’être considérés dans l’opinion publique comme étant des forces extraordinaires au service de notre pays. Il faut s’affirmer en tant que tels, prendre toute notre place, et faire en sorte que chacun d’entre nous existe. Il y a encore beaucoup de jeunes que nous devons convaincre d’être fiers de ce qu’ils sont et de pouvoir entrer dans des processus pour être ces futurs acteurs économiques et donc de vrais citoyens actifs.  » Pour Aziz Senni, fondateur du fond d’investissement Business Angels des Cités, en parlant d’obscurantisme ou de violence, on focalise l’attention de tous sur une tranche extrêmement marginale de la population des banlieues. Bien sûr qu’il y a de la drogue, des gens qui n’ont pas envie de travailler et des  » petits cons  » qui caillassent des bus, mais 99 % de cette population aspire à bien autre chose.  » C’est toujours aux mêmes qu’on demande de montrer patte blanche et de prêter allégeance. Ça suffit ! Je suis un trentenaire énervé ! Il faut qu’on nous considère vraiment comme des citoyens. Je n’ai rien à prouver ni à démontrer à personne. La laïcité, c’est la garantie que chacun puisse exercer son culte en toute liberté. Ce n’est pas la négation des individus. Ces territoires servent à justifier des politiques sociales misérabilistes ou sécuritaires. Moi, j’invite tous ceux qui sont dans ces quartiers et qui ont réussi, à s’organiser et à prendre leur destin en main.  » martèle le jeune entrepreneur. N’attendez pas que des cartons d’invitation arrivent dans vos boites aux lettres, prenez-vous en main, prenez vos places, n’attendez pas qu’on vous les propose. Tout se prend, rien ne se donne. Le sénateur Jean-Pierre Sueur appelle la société française à se réveiller par rapport à ces questions qui engagent l’avenir de la Nation dans son ensemble, et à s’emparer de ces sujets avec énergie et courage.  » Nous devons nous prendre en main et ne pas toujours râler. Je sais qu’il s’agit d’un sport national mais il n’est pas interdit d’être positif et de parler des efforts que nous devons fournir. Je suis partisan du fait que les efforts soient justement répartis.  » Rappelant son cursus de chirurgien orthopédiste devenu son propre patron, le Dr Marouane Bouloudhnine, Président de Mosaïc, exhorte les jeunes à prendre leur place, voire à l’arracher.  » Il faut se lever plus tôt et se coucher plus tard que les autres. Il faut être propre sur soi. Etre le premier levé et le dernier à éteindre les lumières « .  » J’ai fait part aux plus hautes autorités de notre pays d’un sentiment de malaise éprouvé par les Français de sensibilité musulmane  » poursuit il.  » Car à ces jeunes qui mettent en avant leur francité, on renvoie leur islamité. Attention à ce qu’ils ne s’en saisissent pas pour faire du communautarisme, ce que personne ne souhaite pour la société française. Notre Constitution ne reconnaît pas les communautés mais les individus. Mosaïc est là pour apaiser, réconcilier. Elle a aussi des combats à mener. Le premier, c’est un combat contre l’obscurantisme, contre l’ignorance, contre ceux qui veulent jeter la discorde dans ce très beau pays qui est le nôtre. Je veux bien qu’on soit ferme d’un côté, mais je veux aussi qu’on soit juste de l’autre. Etre juste, c’est lutter contre les injustices et les discriminations. Nous ne voulons pas davantage que les autres mais nous refusons qu’on nous donne moins que les autres. Face au projet de discrimination positive, Mosaïc propose la mise en œuvre de l’égalité réelle des chances, et non pas cette égalité formelle qui existe sur les frontons des édifices publics.  » On va faire en sorte de dépoussiérer et faire descendre cette égalité auprès du public . Aujourd’hui, nous sommes obligés de nous mettre en avant et de nous engager, ajoute le Dr Marouane Bouloudhnine. Parce qu’une chose nous tient plus que tout à cœur: construire ensemble un avenir fait de respect mutuel. »