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 » Le lent suicide d’Europe Ecologie Les Verts » par Hervé KEMPF

 » Prisonnier d’une alliance politique désastreuse, EELV vient de tenir son congrès à Caen, reconduisant mollement la ligne incarnée par Cécile Duflot et Jean-Vincent Placé. L’écologie politique est gravement malade. Il est urgent de penser son renouveau.

A lire en entier dans  » REPORTERRE »
http://www.reporterre.net/spip.php?article5086


En août 2012, le parti EELV m’avait invité à animer la session plénière de ses journées d’été, dont le thème était : « Des écologistes au gouvernement, pour quoi faire ? ».

Comme je ne conçois pas le rôle d’animateur comme étant celui d’un distributeur d’eau tiède, j’avais introduit la discussion en posant les questions que bon nombre des membres de ce mouvement se posaient, à savoir : jusqu’à quel point est-il utile d’avoir des ministres dans un gouvernement qui prend des mesures anti-écologiques ? Car en à peine deux mois, le gouvernement de M. Ayrault avait déjà relancé un surgénérateur (Astrid), viré une ministre de l’Ecologie qui s’opposait à l’exploitation de pétrole au large de la Guyane, réprimé violemment deux manifestations à Notre Dame des Landes et à Montabot (contre la ligne à haute tension Cotentin Maine).

On peut voir la vidéo de cette séance ici :.

Cette introduction agaça les ministres à la tribune, Cécile Duflot et Pascal Canfin, et le député François de Rugy.

Quand vint son tour de parole, Pascal Canfin, selon la méthode qui consiste à s’en prendre au messager plutôt que répondre au message, m’interpella : « Que fait un journaliste écologique dans un journal qui ne l’est pas ? Quand on voit la Une du Monde sur la croissance… La couleuvre que Hervé Kempf a avalé ce jour-là, c’est un boa ».

Mon rôle d’animateur n’était pas d’entrer dans un débat direct avec les orateurs, donc je ne répondis pas. Un an plus tard, considérant qu’effectivement, on ne peut pas avaler les boas, j’ai quitté le journalde MM. Bergé, Niel et Pigasse. Pascal Canfin est toujours ministre, et ne manifeste aucun désir de quitter ce poste. Depuis l’été 2012, le gouvernement Ayrault a cependant multiplié les mesures anti-environnement. Il semble que la conception des boas diffère selon que l’on est journaliste attaché à la liberté et militant politique.

Couleuvres et boa –

La question de la participation au gouvernement torture plus que jamais le parti né en 1984 pour porter sur la scène politique l’interrogation écologiste et la volonté de changement qui en découle. Porter sur la scène politique signifie que l’on entend peser sur les leviers de pouvoir, et accéder à ces leviers de pouvoir. On ne peut donc reprocher à un parti de chercher à gouverner. Mais cela n’a de sens qu’il pèse vraiment. En l’occurrence, ni M. Canfin, ni Mme Duflot, ne peuvent démontrer qu’ils pèsent sur la politique gouvernementale en matière d’environnement. Leur présence les contraint même à une solidarité avec toutes les décisions du gouvernement, ce qui les conduit et conduit ce parti à valider des mesures dont on peut juger qu’elles sont inacceptables.

Echec sur l’énergie, échec sur l’agriculture

Accepter de ne pas prendre la responsabilité du ministère de l’Ecologie était dès le départ une erreur. On voyait ainsi échapper la possibilité de peser sur un des deux grands problèmes au coeur du défi écologique pour la France : l’énergie.

Au moins, le portefeuille de ministre de l’Egalité des territoires et du Logement aurait-il pu permettre de peser sur l’autre grand problème environnemental français : celui de l’artificialisation des terres, qui porte avec lui la question agricole et celle de la spéculation foncière. Le bilan de Mme Duflot est ici particulièrement décevant : elle a clairement fait le choix de favoriser la construction de logements, plaçant la lutte contre l’artificialisation des terres en objectif secondaire.

Ne pas peser au gouvernement, mais y être présent, oblige les parlementaires à soutenir les actions nuisibles de ce gouvernement. En fait, EELV est prise dans la stratégie du PS que François Mitterrand avait déjà expérimenté, avec succès, dans les années 1980 : accueillir des ministres communistes au gouvernement pour étouffer ce parti. De même, François Holllande a-t-il attiré des ministres écologistes au gouvernement pour étouffer les écologistes.

Car le PS (parti « socialiste ») est caractérisé par deux traits fondamentaux :
- il ne raisonne qu’en termes de rapports de force et a à peu près abandonné tout idéal politique, ne fonctionnant plus qu’en machine à capter le pouvoir ;
- il n’a absolument pas intégré la question écologique, et considère les écologistes soit comme des gêneurs, soit comme des vassaux.

Aujourd’hui, les partisans du maintien au gouvernement d’EELV avancent deux arguments :
- il faut rester jusqu’à la loi sur la transition énergétique qui sera préparée à l’automne prochain ;
- si l’on part, on affaiblit encore le PS, ce qui favorisera l’extrême-droite.

En ce qui concerne la transition énergétique, ce qui s’est passé depuis plus d’un an autour du nucléaire comme la façon dont s’est déroulé le débat sur la transition énergétique devrait suffire à dessiller les yeux des plus naïfs. Mais il semble que l’amour du pouvoir rende aveugle.

Quant à la menace de l’extrême-droite, si elle est réelle, elle découle essentiellement de la trahison du PS à l’égard des classes populaires, trahison à laquelle s’associe de fait EELV. Rien ne sert de reculer pour mieux sauter : la continuation de cette politique médiocre ne peut qu’accentuer le désaveu croissant des électeurs envers les gouvernants.

Reculer conduit au précipice

A force de céder du terrain sur les choix essentiels, et d’accepter les reculs successifs sur l’environnement, EELV est en train de dilapider son capital, qui est l’idée que ce parti représente l’écologie.

Car tant à droite qu’à gauche, l’environnement commence à s’intégrer aux politiques : à droite, l’UDI de Jean-Louis Borloo et Chantal Jouanno développe une expertise réelle sur nombre de questions environnementales. Et même si c’est une vérité difficile à admettre, le bilan environnemental du quinquennat Sarkozy n’est au final pas plus mauvais que celui des deux années de M. Hollande. A gauche, le Parti de gauche avance dans la définition de l’« écosocialisme » et est présent dans nombre de luttes écogiques de terrain (souvent, d’ailleurs, en bonne intelligence avec les militants locaux d’EELV). Et dans les luttes concrètes, de plus en plus souvent on s’organise indépendamment d’EELV et parfois en opposition avec ce parti.

Le renouveau

Dans cet affaissement du parti écologiste, il reste deux points forts, d’où pourrait partir le renouveau. D’abord, l’ancrage à l’échelle locale. Car si le bilan ministériel est désastreux, le travail dans les municipalités et les régions est souvent très positif. Sans doute est-ce là l’échelle privilégiée de l’action politique écologiste, comme l’indiqueAntoine Lagneau. Ensuite, le travail au niveau européen : le Parlement de Strasbourg est une instance où il est bien plus possible d’influencer les politiques. Il est par exemple évident que Pascal Canfin était bien plus utile au Parlement – où il animait efficacement la bataille pour contrôler les puissances financières – qu’au gouvernement où il administre une aide au développement en peau de chagrin.

Enfin, il parait indispensable de… réfléchir. La pensée écologiste a besoin de se renouveler, de se remettre en question, d’intégrer en permanence les idées nouvelles qui jaillissent du corps social et de l’évolution historique rapide du capitalisme finissant. On sent chez nombre de responsables politiques écologistes une paresse intellectuelle qui explique largement leur médiocre bilan : on ne peut pas élaborer une bonne stratégie si l’on n’a pas une claire vision des choses.

De ce point de vue, un troisième point d’appui du renouveau écologique doit venir de l’effort de pensée. D’une part à travers un organe de réflexion à longue durée, comme Etopia, en Belgique, qui explique en partie le succès des écologistes belges. Et d’autre part d’un média, indépendant et qui affirme clairement la priorité historique que représente la crise écologique planétaire. Un média qui alimente en permanence la discussion écologique et nourrisse d’informations originales sa vision du monde. C’est ici le rôle deReporterre, qui s’intéresse, bien au-delà d’EELV, à toute la communauté écologiste, des anarchistes aux partisans du développement durable, sur le terrain des luttes comme sur celui des cercles de réflexion.  »

 » Pour une écologie politique à la pointe des combats sociaux et sociétaux  » motion de fond proposée par Esther BENBASSA, sénatrice, et signée par le Dr André MINETTO

EELV est en pleine période de Congrès, régional décentralisé dans chaque région il y a 8 jours et Congrès national à la fin de cette semaine. Cela afin de renouveler les instances nationales et régionales à travers différentes tendances.
Mais le travail de fond continue. Voici une motion ponctuelle votée, et que j’ai soutenue et signée car elle correspond à une partie du combat politique, sociétal et social que je mène depuis des décennies :

2 passages centraux :

« C’est une seule et même société que nous voulons changer : celle qui pollue, exploite et discrimine. C’est la même course au profit sans limite et la même exaltation de la compétitivité qui produisent le chômage, ruinent la santé des humains, abrègent leurs jours et détruisent leur cadre de vie. »

« Planète viable, nature protégée, biodiversité assurée, air respirable, nourriture saine, eau pure, économie non productiviste, tout cela n’est souhaitable que parce que – et n’est possible que si – l’humain reste au coeur d’une vision de la société qui se construit sur la justice, l’égalité des droits, la non-discrimination, le respect de chacunE. »

La totalité du texte :

 » L’écologie politique a de multiples facettes. Parce que l’environnement, le social et l’humain sont inséparables. Planète viable, nature protégée, biodiversité assurée, air respirable, nourriture saine, eau pure, économie non productiviste, tout cela n’est souhaitable que parce que – et n’est possible que si – l’humain reste au coeur d’une vision de la société qui se construit sur la justice, l’égalité des droits, la non-discrimination, le respect de chacunE.

La pauvreté, la précarité, l’injustice sociale, les discriminations, le non-respect des droits humains n’entrent pas moins que d’autres des fléaux écologiques en conflit flagrant avec nos principes. Défendre les fondamentaux de l’écologie, c’est aussi défendre des fondamentaux sociaux et sociétaux.

C’est une seule et même société que nous voulons changer : celle qui pollue, exploite et discrimine. C’est la même course au profit sans limite et la même exaltation de la compétitivité qui produisent le chômage, ruinent la santé des humains, abrègent leurs jours et détruisent leur cadre de vie. Ces maux sont interdépendants et l’écologie politique doit pleinement remplir ce rôle crucial qui lui échoit.

Aucune participation gouvernementale, aucun engagement parlementaire, aucune charge dans quelque instance de décision politique que ce soit, ne devrait nous détourner de l’action à mener sur ces terrains.

Contre les discriminations

En dépit de la promesse électorale du candidat François Hollande, les étrangers non-communautaires n’ont toujours pas le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. EELV s’engage à se battre par tous les moyens pour que ce droit devienne enfin et sans délai une réalité.

Les enfants et petits-enfants de ces étrangers, parce qu’ils sont simplement des Français comme les autres, doivent aussi voir leurs droits garantis, au même titre que leurs concitoyens. Vont-ils indéfiniment continuer à habiter des ghettos, à fréquenter les écoles de ces ghettos et à finir chômeurs dans ces ghettos? Encourager localement la création d’entreprises, stimuler l’accès aux grandes écoles et à l’université, améliorer le réseau de transports en commun, rénover et humaniser l’habitat, voilà des combats écologistes prioritaires.

EELV s’engage aussi à lutter contre le contrôle au faciès dont sont victimes les jeunes de ces quartiers et en faveur de la délivrance d’un récépissé à chaque contrôle, autant pour restaurer des liens de confiance entre la population et la police, que pour enrayer la multiplication des contrôles abusifs et de fait inefficaces. EELV s’engage à combattre les discriminations dont souffrent ces jeunes des quartiers.

EELV s’engage d’un même mouvement à combattre toutes les formes de discrimination, de l’handiphobie à l’âgisme, sans hiérarchie aucune.

Contre tous les racismes

EELV s’engage à s’opposer par tous les moyens à l’islamophobie, au racisme, à l’antisémitisme et à la xénophobie, quelle que soit leur origine et à empêcher qu’ils ne comblent, chez certains, l’absence de tout programme politique crédible.

Les Roms sont aujourd’hui devenus les nouvelles cibles de la haine. Ils sont devenus, sous la gauche, ce qu’ont été, dans le passé, sous d’autres pouvoirs, les juifs dans les années 30, les Algériens dans les années 60-70, les musulmans il y a peu. Il n’existe pas de peuples non intégrables. Seulement des peuples non accueillants. Si les frictions avec les populations locales sont bien réelles, il convient de chercher à les réduire plutôt qu’à les exacerber. C’est l’intégration des Roms à notre société et non leur exclusion qui le permettra. EELV s’engage à travailler avec les associations pour défendre les droits des Roms.

EELV s’engage aussi pour la suppression du livret de circulation des gens du voyage qui sont eux, de surcroît, français, et pour le respect de leurs droits de citoyens.

Immigration, égalité femmes-hommes, droits LGBT

EELV s’engage aux côtés des sans-papiers pour un plus grand respect de leurs droits et un assouplissement immédiat des critères de régularisation. Les conditions d’accueil des demandeurs d’asile doivent être améliorées, la France doit redevenir terre d’accueil. EELV appelle à une réforme sans délai et sans compromission du CESEDA.

EELV s’engage pour l’égalité femmes-hommes à tous les niveaux de la société.

EELV s’engage auprès des LGBT dans leurs luttes et se battra pour le changement de la mention du sexe à l’état civil des trans et pour que le dossier de la PMA pour les couples de lesbiennes ne soit pas enterré.

Ouvrir les débats sociétaux de demain

EELV s’engage à ouvrir le débat sur des questions sociétales comme la légalisation contrôlée du cannabis, la condition des personnes prostituées, la pédagogie du civisme sur internet, etc. Parce que nous, militants  EELV, avons le devoir d’affronter également les questions difficiles, qui parfois nous divisent, et ce sans tabou. »