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« Cancers, diabète, obésité : « La croissance des maladies liées à notre mode de vie met en péril notre système de santé » Dans Bastamag, avec André Cicolella Président du RES ( Réseau Environnemement Santé )

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http://www.bastamag.net/Cancers-diabete-obesite-La

  • 400 milliards d’euros en 15 ans : c’est le surcoût entraîné par l’explosion des maladies chroniques, comme le cancer ou le diabète, pour la Sécurité sociale. Des maladies liées à la pollution de notre environnement et qui se transmettent entre générations. Pesticides, perturbateurs endocriniens, molécules chimiques en tout genre sont présents dans l’alimentation, les biens de consommation, l’eau potable, l’air… Un scandale invisible pour le toxicologue André Cicolella, président du Réseau environnement santé, qui décrypte, dans son dernier livre, les raisons de cette épidémie mondiale. Et appelle à un grand mouvement citoyen. Entretien.

Basta ! : Pourquoi le « scandale des maladies chroniques » est-il, selon vous, « invisible » ?

André Cicolella : [1] Diabète, cancers, obésité : les maladies chroniques touchent les personnes sur la longue durée. A la différence des maladies aiguës. Pour la grippe, par exemple, soit vous en guérissez, soit vous en mourrez. Alors que pour le diabète, vous n’en guérissez pas dans l’immédiat, vous n’en mourrez pas non plus dans l’immédiat. La grande majorité des maladies chroniques ne se transmettent pas, elles sont non-infectieuses. Mais leur nombre a explosé ces dernières années. En France, un homme sur deux sera touché dans sa vie par un cancer. C’est le cas pour une femme sur trois. Deux adultes sur trois seront touchés par une maladie cardio-vasculaire. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie la situation d’épidémique et de pandémique : elle touche désormais tous les pays du monde. Ce ne sont donc pas principalement des maladies de la vieillesse, comme l’affirment certains (lire aussi :L’obésité, une « maladie de civilisation » qui affecte les plus pauvres). La croissance de ces maladies met en péril l’état de santé des populations, mais aussi notre économie. Notre système de santé implose, non pas parce qu’il y a trop de médecins, mais parce qu’il y a trop de malades. Nous avons aujourd’hui suffisamment d’éléments pour comprendre ce qu’il se passe. Pourtant, on ne fait rien.

Le gouvernement a pourtant mis en place un nouveau plan cancer. Il ne servirait à rien ?

Ce plan a une visée thérapeutique : il souhaite améliorer les traitements des malades. Mais les gains sont trop modestes : seulement quelques semaines de survie ont été gagnées grâce à ces traitements. Le plan cancer dispose d’1,4 milliard d’euros pour développer des stratégies thérapeutiques, alors que la recherche environnement/santé représente seulement un peu plus de 10 millions d’euros annuels ! Ce n’est pas suffisant pour s’attaquer aux causes du cancer et répondre à plusieurs questions : pourquoi la France est-elle, d’après des données parues en décembre 2013, le troisième pays au monde dans la prévalence du cancer du sein ? Et le deuxième pour le cancer de la prostate ? Ces cancers sont hormonaux-dépendants, c’est-à-dire qu’ils sont provoqués par une modification du système hormonal. Or, la question des perturbateurs endocriniens, ces molécules chimiques qui perturbent le système hormonal, reste marginale dans le plan cancer. C’est un scandale. D’après Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer, les causes environnementales du cancer sont surestimées !

Combien coûtent ces maladies à la Sécurité sociale ?

Ces maladies provoquent des affections de longue durée (ALD), auxquelles la Sécurité sociale doit répondre. J’ai effectué un calcul simple à partir des données de l’Assurance maladie. Entre 1994 et 2009, ces maladies ont entraîné un surcoût de 400 milliards d’euros ! Cela veut dire que les responsables politiques ont plutôt choisi d’emprunter auprès des marchés financiers plutôt que d’agir sur les causes. Il aurait été beaucoup moins coûteux d’arrêter l’épidémie de diabète ou d’obésité ! Notre système de santé solidaire risque donc de disparaître… Et c’est ce que beaucoup de personnes souhaitent : qu’on aille vers un système à l’américaine, où la santé permet de faire le maximum de profits ! C’est un des enjeux majeurs pour notre société, mais aussi pour les pays émergents. En Chine ou en Inde, une personne qui est atteinte de diabète tombe dans la pauvreté. C’est donc une question à débattre sur le plan politique.

Les parents transmettent-ils ces maladies à leurs enfants ?

Les scientifiques estiment que si une femme est exposée pendant la gestation, à des produits chimiques, du type perturbateurs endocriniens, les gamètes de l’enfant seront modifiées et le message transmis par ces gamètes le sera aussi, jusqu’à au moins trois générations. C’est ce qu’on appelle l’épigénétique. Des expériences menées sur les rats l’ont mis en évidence. Et le système hormonal des rats est semblable à celui des hommes.

Comment les perturbateurs endocriniens provoquent-ils ces maladies chroniques ?

Lorsque nos organismes se développent, dans les premières semaines de la gestation, l’activité de notre corps est sous un intense contrôle hormonal. C’est à ce moment là que les organes vont se créer. Ainsi, nos hormones thyroïdiennes vont entraîner le développement du cerveau. Et ce développement sera entravé si l’équilibre de ces hormones thyroïdiennes est bouleversé par des perturbateurs endocriniens. Ces derniers entraînent des troubles du comportement. Autre exemple : la formation du tissu mammaire se fait pendant les premières semaines de la gestation. Si l’embryon est exposé à des perturbateurs endocriniens à ce moment-là, les risques d’avoir un cancer du sein explosent. C’est ce qui s’est passé sur le distilbène [un médicament donné entre 1950 et 1977 pour éviter les fausses-couches] : les filles des mères qui ont pris du distilbène pendant leur grossesse ont 80% de risque en plus de développer un cancer du sein. Avant son interdiction dans les biberons en 2011, toute la population française a été exposée au bisphénol A pendant des années [Le Sénat a voté pour l’interdiction du bisphénol A dans les contenants alimentaires (boîtes de conserve) à partir de janvier 2015, ndlr]. Quelles en seront les conséquences dans 40 ans ?

Les scientifiques ont montré que les perturbateurs endocriniens agissent à de très faibles doses. Les réglementations actuelles sont-elles adaptées ?

Nos réglementations sont basées sur des concepts des années 1960/1970. Chacun fait aujourd’hui semblant d’y croire, mais ces concepts sont désormais obsolètes. Qu’est-ce qu’une eau de qualité ? Selon ces normes, c’est une eau qui contient moins de 0,1 micro-gramme de pesticides par litre. On est donc largement en dessous, aujourd’hui. Or, quand on met des grenouilles dans une eau chargée en atrazine [un herbicide interdit en Europe depuis 2004, ndlr] à ce niveau, 25% de leurs petits ont des modifications de l’appareil reproducteur. Ce qui signifie que la reproduction des grenouilles est fortement perturbée. On ne trouve nulle part ces débats, actuellement, dans le champ politique, alors que se jouent les négociations autour de la directive européenne sur la qualité de l’eau. La question des perturbateurs endocriniens est pourtant la clé de compréhension non seulement de l’épidémie actuelle de maladies chroniques mais de la chute de la biodiversité. Aujourd’hui, on ne tient pas compte des données de la science : on préfère la politique de l’autruche. Or, c’est une véritable question de société, dont il faut débattre et que les citoyens doivent s’approprier.

Que manque-t-il actuellement pour que cet enjeu ne soit plus « invisible » ?

Un grand mouvement citoyen ! On l’a vu avec le bisphénol A. Les politiques de tout bords se sont emparés du sujet, qui dépasse les clivages partisans. On ne s’intéresse pas à la santé de nos enfants en fonction des opinions politiques des parents. Steeve Job (cofondateur et PDG d’Apple) est mort d’un cancer du pancréas, au bout de cinq ans de maladie, comme la grande majorité des personnes atteintes de ce cancer. Et l’argent qu’il a dû dépenser pour tenter de se soigner n’y a rien changé. Tout le monde est donc concerné. Le cancer du pancréas fait plus de 600 000 morts par an, dans le monde. En France, il fait plus de victimes que les accidents de la route. Et pourtant, on ne fait rien.

Quelles mesures peuvent-être prises pour lutter contre le développement de ces maladies chroniques ?

Il faut tout d’abord éliminer certains produits chimiques, perturbateurs endocriniens. On a réussi à le faire avec le bisphénol A. Pour cela, il faut que les autorités françaises reconnaissent que c’est un problème. Chaque individu peut agir, par exemple dans le choix des cosmétiques. Aujourd’hui, 71% des fonds de teint contiennent des perturbateurs endocriniens. On peut donc choisir dans les 29% restants… L’industrie chimique doit aussi produire des molécules qui assurent des propriétés similaires mais qui ne sont pas aussi toxiques.

Ensuite, ce sont nos modes de vie qu’il faut changer, combattre la sédentarité avec une autre conception de la ville qui ne soit pas celle de la ville américaine : je prends ma voiture pour aller au travail, puis l’ascenseur, et je mange le midi chez Mc Do ou un équivalent. Dans notre alimentation, il faut retrouver une consommation alimentaire saine, grâce au développement de l’agriculture biologique. Et diminuer nos consommations d’aspartame et de sucres, notamment dans les sodas. On pourrait faire des campagnes comme celle contre le tabac, en indiquant sur les produits que cela provoque du diabète. Mais contrairement au tabac, les autorités ne souhaitent pas faire peur à l’industrie agro-alimentaire…

Vous plaidez aussi pour un apprentissage à la santé dès l’école primaire…

Pour moi, être en bonne santé dépend de la qualité de la relation de l’être humain à son écosystème. Pour combattre ces maladies chroniques, il faut agir sur son environnement. Lutter contre ces maladies est l’affaire de tous. Chacun doit être formé à la protection de sa santé. Cela s’apprend, se construit ! A l’école primaire, je plaide pour que l’on apprenne à lire, écrire, compter

…  « 

Propos recueillis par Simon Gouin

Photo : DES Daughter

Toxique Planète, le scandale invisible des maladies chroniques, André Cicolella Seuil, collection Anthropocène.

Lire aussi : Comment les industriels utilisent la science comme un instrument de propagande

« Plan cancer : on ne change pas une politique qui perd… » Communiqué de presse du RES ( Réseau Environnement Santé )

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« François Hollande a annoncé hier les mesures du 3ème plan cancer. Comme ses prédécesseurs, celui-ci identifie surtout les inégalités et le tabac comme principale cause ; laissant une place marginale à l’environnement. Pourtant, les chiffres sont là pour mettre en évidence le rôle majeur de l’environnement dans la progression de l’épidémie en France et dans le Monde.

En effet, les derniers chiffres publiés en décembre 2013 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) [1] montrent une progression du cancer dans le monde entier : +8% sur les 4 dernières années. Plus particulièrement, les cancers hormono-dépendants comme le cancer du sein sont en hausse de 14% identifiant ainsi un véritable marqueur du mode de vie occidentale qui se répand sur la planète.

La France devrait mener une politique particulièrement active car elle affiche parmi les taux les plus élevés au monde [2] en matière de :

– cancer de la prostate : La France métropolitaine est le 2ème pays au monde derrière la Norvège… mais la Martinique a un taux plus élevé encore que la métropole.
– cancer du sein : La France métropolitaine est le 3ème pays au monde derrière la Belgique et le Danemark.

A l’intérieur de la France, la Réunion affiche des taux inférieurs de moitié à ceux de la France métropolitaine pour le cancer de la prostate et du sein. Pourquoi cette réalité n’est-elle pas mentionnée dans le plan cancer ? L’accent mis sur les inégalités sociales est justifié, mais pourquoi la dimension géographique n’est-elle pas plus mise en lumière ?

Comme l’illustre ces chiffres, l’analyse des facteurs de risque actuelle mettant l’accent sur le tabac est obsolète. Il est impossible aujourd’hui d’expliquer la croissance du cancer par un facteur de risque comme le tabac alors même que celui-ci est en diminution et qu’il n’est pas lié aux cancers hormono-dépendants. Les connaissances scientifiques actuelles montrent le rôle majeur joué par les perturbateurs endocriniens.

L’ANSES a notamment rappelé dans son rapport d’avril 2013 que le bisphénol A est impliqué dans le cancer du sein par un effet transgénérationnel. C’est-à-dire que l’exposition maternelle induit des cancers du sein chez la fille. D’autres perturbateurs endocriniens sont également identifiés comme induisant des cancers, on peut citer les organochlorés (la dioxine ou le chlordécone, par exemple), les phtalates, les perfluorés ou les polybromés, qui contaminent toute la population. « L’enjeu majeur des perturbateurs endocriniens n’est pas identifié par le plan cancer et c’est une erreur grave vis-à-vis des générations futures », estime André Cicolella, président du RES.

En plus des multiples données expérimentales chez l’animal, la preuve chez l’humain de l’impact des perturbateurs endocriniens a été apportée par le distilbène, puisque les filles exposées à ce médicament pendant la grossesse ont 80 % de cancer du sein en plus.

Il est nécessaire que la question cancer environnement soit traitée dans le futur Plan National Santé Environnement.

Il est urgent que la Stratégie Nationale Perturbateurs Endocriniens soit adoptée par le gouvernement.

Il est regrettable que la question santé environnement ait été exclue de la dernière conférence environnementale et le RES demande l’organisation d’une Conférence Nationale Santé Environnement pour définir une politique à la hauteur des enjeux. « 

 

[1]. Site globocan : http://globocan.iarc.fr/Default.aspx
[2]. Données en population standardisée mondiale, ce qui élimine les caractéristiques démographique propres à chaque pays et permet les comparaisons entre pays.

 

« Cancers : les risques environnementaux sont mal estimés » à lire dans Actu environnement

 » Un rapport de préfiguration du troisième Plan Cancer recommande de diminuer les seuils tolérés d’exposition de la population aux sources environnementales polluantes. En particulier les gaz d’échappement des moteurs diesel.

A lire en entier dans __Actu environnement__

http://www.actu-environnement.com/ae/news/cancers-risques-environnementaux-professionnels-Professeur-Vernant-Plan-Cancer-19333.php4

 » Un rapport de préfiguration du troisième Plan Cancer recommande de diminuer les seuils tolérés d’exposition de la population aux sources environnementales polluantes. En particulier les gaz d’échappement des moteurs diesel.

Jean-Paul Vernant, professeur d’hématologie à l’Université Pierre et Marie Curie, a remis le 30 août aux ministres chargées de la santé et de la recherche ses recommandations pour le troisième Plan cancer, qui couvrira la période 2014-2018.

Ces propositions doivent venir enrichir les réflexions des groupes de travail mis en place par les deux ministères en collaboration avec l’Institut national du cancer (INCa) pour élaborer ce plan. Ce dernier, qui s’appuiera également sur le bilan du deuxième plan rendu public il y a quelques jours et qui sera complété par une évaluation du Haut conseil de la santé publique, sera rendu public début 2014.

Des expositions pour la plupart multiples

« Les données épidémiologiques récentes et les estimations de risque attribuent aux expositions environnementales un nombre important de décès par cancer« , relève le rapport. Mais les risques environnementaux sont encore « mal connus et mal estimés« , juge-t-il, prenant exemple des perturbateurs endocriniens. En effet, « les expositions sont pour la plupart multiples et de nombreux facteurs de confusion existent« .

« Seul le radon a fait l’objet d’un objectif de la loi de santé publique de 2004« , déplore le document. Et encore ne portait-il que sur les établissements de santé et d’enseignement de 31 départements. De plus, si le diagnostic a été posé, les mesures de protection n’ont, quant à elles, pas été recensées. Le deuxième Plan cancer a certes étendu ce contrôle à l’habitat et prévu une information de la population, mais le rapport considère ce plan comme insuffisant.

Le rapport rappelle le classement par le Circ des champs électromagnétiques de radiofréquences comme cancérogènes possibles pour l’homme, de même que celui des particules fines rejetées par les moteurs diesel comme cancérogènes certains.

Les auteurs recommandent de diminuer les seuils tolérés d’exposition de la population aux sources environnementales polluantes, par une limitation des sources de pollution atmosphériques industrielles et urbaines, dont les gaz d’échappement des moteurs diesel, une limitation des toxiques polluant les eaux comme les pesticides, et la mesure des expositions aux perturbateurs endocriniens.

Autre objectif affiché : une augmentation du nombre d’équipes de recherche travaillant sur les liens cancer/environnement. Ce qui passe par le soutien à la constitution de cohortes, la caractérisation clinique et biologique des cancers d’origine environnementale en les comparant avec les cancers « spontanés » et un renforcement des études d’impact sur la santé.

Augmenter la déclaration des cancers d’origine professionnelle

…  »